Bonjour Amélie ! Depuis huit ans tu réalises différents types d’œuvres d’art : allant de la peinture, à la sculpture, en passant par le collage, le dessin et même jusqu’à la fresque, voir le packaging et la scénographie !

Tu interviens régulièrement auprès des enfants, qui reviennent d’ailleurs beaucoup dans ton œuvre : ceux que tu appelles les « moches ». Récemment, tu as installé une partie de ton travail à Madeleine Café, où nous nous trouvons pour cette interview. Alors, on a 8 questions à te poser : sur ce que c’est d’être « moche », ton obsession pour les lits, et ton rapport aux enfants (période de Noël oblige).

1. Première question, que l’on pose dans chacune de nos interviews : depuis combien de temps vis-tu à Nantes et quels sont les endroits où tu t’y sens le mieux ?

Je suis à Nantes depuis combien de temps… Je suis arrivé un an avant de partir au Vietnam en 2015, donc ça doit être 2014. Ça correspond au début de Maison Moche, donc 8 ans ! Tu sais, je pensais que Maison Moche avait commencé en 2018 car c’est le moment où j’ai monté l’entreprise officiellement, ce qui me poussait toujours à minimiser et à dire que ça ne faisait que 6 ans, alors que pas du tout.

Le premier endroit où je me sens bien à Nantes c’est chez moi, number one. Je vais dans très peu d’endroits, je suis assez casanière. Ensuite, je dirais L’artichaut [coffee shop nantais] car ça a un côté familial, Jean [le propriétaire], c’est comme quelqu’un de ma famille. D’ailleurs, ici [Madeleine Café] c’est en train de devenir un de ces endroits où je me sens bien. Et puis quand je suis avec les gens avec qui je travaille, par exemple : chez pépite je me sens super !

2. J’avais parié sur chez toi ! Mais on en parlera dans les questions suivantes. Quand as-tu commencé à t’exprimer artistiquement ? Qu’est-ce que tu dessinais dans les marges de tes cahiers d’école ?

Dans les marges, je dessinais des petits motifs, des algorithmes… Je suis assez carré, j’aime bien. Je ne sais pas si on appelle ça comme ça d’ailleurs ! Les enfants disent toujours ça « ah je suis en train de faire un algorithme », ils font une rayure bleue, une rayure rose, une rayure bleue, donc voilà, je faisais des algorithmes.

Par la suite je me suis attaquée aux vêtements, j’avais ma fausse entreprise de robes de mariée et de stylisme. Je passais ma vie à dessiner des fringues, d’abord avec un logiciel Barbie sur Windows 95 ! J’avais 6–7 ans et cette passion ne m’a jamais quittée.

3. Pourquoi Maison ? Pourquoi Moche ? Pourquoi Maison Moche ?

J’y ai réfléchi ce matin sous la douche ! Ça fait 10 ans que j’y réfléchis en fait.

Le mot Maison a un lien avec le fait d’être chez moi, et puis ça a été mon mot de passe pendant longtemps ! Maintenant je peux le dire, j’ai déjà changé tous mes mots de passe et euh… Oula, j’allais te révéler mon nouveau mot de passe.

Je n’assumais pas de mettre mon nom au début, j’étais en école de mode et j’avais un professeur qui nous avait donné un sujet « enfant », je dessinais ces petits bonshommes en tant que modèles et il me disait : « ils sont tellement moches, personne ne voudra acheter ça ! Tu te rends compte, une mère ne s’identifiera jamais là-dedans. On dirait qu’ils sont en train de dégueuler, qu’ils ont la leucémie ». Ce sont ses mots ! À partir de ce moment-là, ils sont devenus mes petits moches et un jour, d’une manière totalement ironique, je me suis dit « ces gens-là qui appellent leurs projets Maison quelque chose ou Atelier quelque chose, ils ont deux jours d’existence ».

En fin de compte, c’était vraiment entre le syndrome de l’imposteur et l’ironie, et puis bon Maison Dubois ou Amélie Dubois, ça aurait été compliqué, on est beaucoup [d’homonymes] sur le créneau !

4. Quand on regarde ton travail, on se rend compte que tu utilises beaucoup les aplats de couleurs, tu sembles avoir une passion pour les rayures, tu accordes peu d’importance aux perspectives. Question pénible : comment qualifierais-tu ton art ?

Je parle toujours des choses qui font du bien, des choses simples de la vie, mes thématiques tournent autour de manger et dormir donc je vais reprendre un terme que l’on a utilisé pour décrire mon travail : épicurien. Il y a aussi un rapport à l’enfance donc il y a du naïf mais je n’irais pas jusqu’à dire que je ne fais que ça.

5. Tu as 101 stories dédiées à ton lit sur Instagram. Oui, on a compté. D’où vient cette obsession ?

Alors, figure toi qu’à la base il y en avait plus de 200 ! J’ai été contacté par une personne qui fait de la stratégie : « c’est super cool, il faut conserver le concept mais sans forcément en avoir deux archives » [un élément story à la une sur Instagram permet de stocker 100 stories] donc aujourd’hui, il ne reste qu’une seule archive donc 100 stories, navrée de remettre en cause tes comptes !

Les lits ont toujours fait partie de moi : quand j’étais à l’école, un prof m’avait dit qu’il fallait que j’en fasse quelque chose, ce qui m’a poussée à créer un tumblr où je publiais plein de photos de mon lit. Je crois que j’ai des photos de moi dans mon lit depuis que je suis née, ou en tout cas beaucoup plus que la plupart des gens et j’ai toujours été une grande dormeuse. Comme diraient mes parents : j’ai passé plus de temps à l’horizontale qu’à la verticale, au point que j’ai reçu plusieurs fois dans ma vie des lits pour Noël et mon anniversaire !

Concrètement, dès mon plus jeune âge, je passais ma vie à dormir : il y avait un problème, je dormais, j’étais trop contente, je dormais… Finalement mes parents ont dû être assez tranquilles : lorsqu’ils me cherchaient, ils savaient par où commencer ! (Rires).

6. Continuons sur tes stories qui nous ont fait beaucoup rire : peux-tu nous expliquer pourquoi on te voit si souvent accompagnée d’enfants ? Est-ce que tu travailles dans une école ? Ils ont l’air de t’adorer, en attestent les nombreux moments où on les entend scander ton nom.

Oui ! Je travaille dans une école depuis trois ans et c’est dû à mon envie de faire de l’art avec les enfants. J’ai toujours voulu être maîtresse mais je n’avais pas de formation ni de diplôme dans la petite enfance, donc ne serait-ce que monter des ateliers artistiques tout en gérant un groupe d’enfants, ça me paraissait impossible. Mais j’ai finalement réussi à réaliser un rêve, tous les jours quand je suis dans cette école, et en particulier quand elle est vide. (Rires).

Il est vrai qu’ils m’adorent et je n’ai pas peur de le dire parce que moi aussi je les adore. Ils scandent mon nom mais je passe ma vie à scander les leurs, à leur dire que je suis fière d’eux, que je les aime, qu’ils sont géniaux.

À partir du moment où lorsqu’un enfant a un problème, il vient te voir, tu as tout gagné.

Ils me disent souvent « T’as pas d’enfants toi, t’as pas de mari » et je leur réponds « Non mais je vous ai vous ! Je suis la mère de 200 enfants finalement ». Dès qu’il leur arrive quelque chose, ça m’affecte… Ça va être terrible la maternité pour moi ! (Rires).

7. Si on te laissait les clés de la ville pendant 1 semaine, qu’est-ce que tu y changerais ?

Déjà, qu’elle est bien la ville ! Mais, si j’avais la possibilité de changer quelque chose, mon premier sujet serait d’encourager les gens à s’entraider en mettant en place un système de solidarité automatique : favoriser mutualisations de toutes sortes, développer des principes de garde d’enfants… Mon deuxième sujet, ce serait le jeu : encore plus d’art dans la ville, parce que le Voyage à Nantes, c’est vraiment bien mais je le rendrais vraiment plus populaire, plus ludique.

8. Dernière question, que l’on pose aussi à tout le monde : est-ce que tu imagines quitter Nantes un jour ou peut-on espérer te garder un peu plus longtemps ici ?

Oui, j’espère quitter Nantes mais pas tout de suite !

J’ai l’impression d’être à un moment où il y a une énergie hyper inspirante [à Nantes], où je rencontre des gens qui sont dans une vraie dynamique, peu importe leur milieu et donc que ce n’est pas le moment de partir.

Je pense qu’il y a encore plein de projets assez chouettes à venir, sans que je sois capable de dire lesquels.(Rires). L’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs, je commence à prendre mes marques, je m’y sens bien donc on va continuer un peu, mais pas 10 ans !

Merci Amélie !

Vous pouvez retrouver le travail de Amélie, dite Maison Moche, jusqu’au 13 jan. 2023 au Madeleine Café ! Elle y expose ses œuvres, tous formats confondus, avec en particulier plein de petites cartes postales qui feront de super cadeaux de Noël pour toute la famille.

Le reste du temps vous pouvez suivre son travail sur son site web et son compte Instagram @maisonmoche.

Amélie Dubois, l’artiste pour les grands et les petits 🛏️